« La décision de la CNIL s’attaque à la chaîne de production de données irresponsable qui règne dans l’industrie publicitaire en ligne »


On se demande souvent si notre smartphone nous écoute, tant les publicités qui nous sont proposées sur les réseaux sociaux et autres sites peuvent refléter une conversation tenue la veille.

La réalité est autrement inquiétante : les sociétés de publicité et de pistage en ligne n’ont nul besoin de nous écouter, car elles se délectent depuis des années de pléthore d’informations personnelles récoltées à chaque fois que nous surfons sur le Web. Grâce à ces masses de données, elles peuvent prédire, avec plus ou moins de précision, nos désirs consuméristes les plus enfouis et inconscients. C’est la mine d’or digitale créée par l’industrie de l’AdTech – c’est-à-dire les logiciels et les outils utilisés par les annonceurs pour acheter, gérer et analyser la publicité numérique.

Enchères en temps réel

Ce marchandage de notre vie privée prend place au sein d’un système d’enchères connu sous le nom de real-time bidding [RTB, ou enchères en temps réel]. Y participent des centaines de publicitaires qui ont, au fil du temps, construit des profils extrêmement détaillés sur chacun de nous, avec nos intérêts, goûts, habitudes, problèmes de santé, questionnements les plus intimes, notre situation socio-économique, notre ethnicité, nos pratiques sexuelles, faiblesses, etc.

A chaque fois qu’un utilisateur visite une page Web présentant un espace publicitaire disponible, ces entreprises proposent un prix pour y afficher leur annonce, en fonction de la nature de l’espace publicitaire et de la compatibilité présumée entre leur produit et le profil qu’ils ont de l’utilisateur qui verra cette publicité.

Au-delà du sentiment d’être surveillé en permanence, la publicité ciblée peut avoir d’inquiétantes conséquences. On a vu des femmes ayant fait une fausse couche recevoir des publicités pour des vêtements de grossesse puis pour des soutiens-gorge d’allaitement ; la dépression potentielle d’un internaute utilisée comme facteur de ciblage dans le marché du real-time bidding ; ou des anorexiques se faire vendre des régimes de jeûne extrême.

La publicité non digitale n’a jamais eu besoin de connaître des détails très intimes sur son audience. Encore aujourd’hui, une bonne équipe créative et un emplacement bien choisi – autoroute, télévision, bus – peuvent s’avérer suffisants. La publicité en ligne, à l’inverse, a identifié une opportunité en or (pour elle) : connaître d’infimes détails sur ses consommateurs et les manipuler de manière extrêmement précise.

Vie privée et sécurité en danger

Mais ce ciblage ne mène pas qu’à l’exploitation de biais psychologiques et de faiblesses consuméristes, il peut aussi exposer les internautes à des contenus qui vont renforcer des traumas existants et participe à la création de bases de données pleines de profils d’utilisateurs extrêmement détaillés.

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